L’état général des ouvrages, au terme d’une vingtaine d’années d’efforts (au
titre de l’entretien ou des gros travaux) peut être considéré aujourd’hui
comme presque correct pour un ouvrage de cette ampleur et de cette
complexité. Toutes les zones qui pouvaient présenter un danger pour les
visiteurs et les habitants du village, ou mettre en cause la stabilité des
ouvrages, ont été consolidés ou mis hors d’eau au fi l des campagnes de
travaux successives. L’étanchéité des galeries casematées nord est certes
très relative, mais le délavage très progressif des mortiers par les infiltrations
d’eau ne met pas en cause pour l’instant la stabilité de ces ouvrages :
la mise hors d’eau complète de galeries protégées par un blindage d’un ou
deux mètres de terre devrait faire appel à des moyens techniques considérables,
qui nous semblent pour l’instant quelque peu hors d’échelle vis à vis
de la gravité très relative du problème.
Les points qui restent préoccupants sont :
-
la courtine nord et la Tour Verte (photo ci-contre) : comme la tour nord
récemment consolidée, ces ouvrages à l’entretien malaisé, implantés au
sommet d’un talus très raide et longtemps envahi par la végétation, présentent
une dégradation générale de leurs parements extérieurs, avec un
vidage général des joints et de nombreuses zones « soufflées » en voie
d’effondrement. Il est prévu de reconduire en 2011 les interventions d’entretien
entamées en 2010, notamment sur et aux abords immédiats de la
Tour Verte, mais il faudra poursuivre cet effort dans les années suivantes,
en veillant à soigneusement contenir le développement de la végétation,
tant sur la courtine que sur le talus.
- la galerie rampante ouest est un ouvrage tardif (début XVIe siècle) qui
reste mal connu : son rôle évident consiste à établir une communication
directe et rapide entre l’enceinte haute et le châtelet d’entrée, en court circuitant
une rampe nord devenue trop exposée aux tirs d’artillerie - et
qui pouvait ainsi, en cas d’investissement par les assaillants, être prise à
revers à partir du châtelet. Ceci étant, la documentation sur cet ouvrage
est inexistante, et rien n’indique qu’il ait été complètement terminé : le sol
intérieur en rocher est resté à l’état brut (était-il habillé par des marches
qui ont été pillées, ou sa surface irrégulière était-elle jugée suffi sante à sa
fréquentation très occasionnelle par la garnison ?), et le profil original des
superstructures, aujourd’hui masquées par une épaisse végétation, reste
mystérieux. Structurellement, l’ouvrage est un simple couloir voûté en
berceau, bâti sur un substrat de rocher en forte pente sommairement
retaillé ; l’ensemble, construit en moellons comme le reste du château, est
enserré entre deux murs donnant pour l’un côté rampe, pour l’autre côté
fossé. Ce dernier mur, qui correspond à l’ancienne courtine ouest, est sans
doute antérieur à la galerie qui est venue s’appuyer contre lui : en partie
effondré dans ses parties hautes, et a été étayé il y a quelques années par
un grillage métallique maintenu par des câbles tendus.
Nous avions imaginé plusieurs hypothèses pour le mode de couverture
de cet ouvrage, le premier étant une couverture en lauzes - directement
scellées sur l’extrados de la voûte - le second étant un blocage de
maçonnerie de profil arrondi, bâti sur l’extrados de la voûte, comme on
en trouve à Miolans sur certains ouvrages sensiblement contemporains (échauguette de la courtine intérieure nord, en particulier). En fait, le petit
sondage réalisé en 2010, à l’articulation galerie/courtine intérieure nord, a
révélé deux choses : d’une part, l’arase du mur extérieur est de la galerie
se trouve très probablement à son niveau d’origine. La maçonnerie du mur
est liaisonnée avec celle de l’ouvrage saillant contigüe, indiquant au passage
une construction probablement simultanée de la galerie et la partie occidentale
de la courtine intérieure nord contre laquelle elle s’appuie. D’autre
part, l’extrados de la voûte est recouvert d’une très forte épaisseur d’un
mélange de terre sableuse et d’éclats de pierre (le sondage est descendu
à 1m de profondeur environ sans rencontrer la maçonnerie de la voûte)
qui évoque plus un blindage rudimentaire destiné à amortir les tirs d’artillerie - comme on en trouve sur les galeries casematées de la courtine
intérieure nord, et deux siècles après sur les terrasses d’origine des forts
de l’Esseillon, plus tard recouvertes par des toitures - qu’un support de
couverture quelconque. La terrasse rampante ainsi constituée aurait pu
accueillir des tireurs protégés par des parapets, mais aucune ouverture n’y
donne accès, ce qui laisserait à penser que les murs latéraux ne s’élevaient
pas plus haut que la terrasse.
Cette dernière hypothèse - qui nous semble assez vraisemblable, compte
tenu du caractère tardif de l’ouvrage - devrait être vérifiée après échafaudage
et dévégétalisation complète des surfaces. Si elle se confirme, il sera
de toutes façons nécessaire avant tout de remonter les parties effondrées
de la courtine extérieure (ouest). La suppression du blindage de terre et
la mise en place d’une étanchéité performante sur l’extrados de la voûte
(ou sur un dallage en béton) nous semblerait excessivement coûteuse et
hors d’échelle avec les risque objectifs de dégradation de l’ouvrage. Une
solution plus légère serait à rechercher en direction d’un bon système de
drainage des murs latéraux, doublé par un système de membrane drainante,
placée à quelques centimètres en-dessous d’une surface de terre
reprofilée, permettant de contrôler le développement de la végétation de
surface ; cette dernière devrait être maintenue à l’état de « toiture végétale »
en herbe et plantes à faible développement racinaire.
Le travail de consolidation et de rejointoiement de la courtine ouest devra
être prolongé vers le sud, jusqu’à la tour Saint Pierre.
-
même si le problème est moins urgent, il ne faut pas oublier la façade est
du donjon qui se trouve à peu près dans le même état - zones de parement
effondrées mises à part - que la façade sud de ce même donjon
avant les travaux de 1998 : joints (souvent très larges) vidés de tout
mortier, calages d’assises déficients... Il convient de rappeler que les quatre
façades du donjon ont été infiltrées par les eaux de ruissellement pendant
plusieurs dizaines d’années - entre l’effondrement de la toiture vers le
milieu du XIXe siècle (?) et la mise en service de la terrasse vers 1870 - et
n’ont jamais fait l’objet d’un travail de rejointoiement systématique avant
1975 : les surfaces concernées étaient importantes, leurs conditions d’accès
étaient décourageantes, et leur position au-dessus de zones peu ou pas
fréquentées par le public n’incitait pas vraiment à investir dans des travaux
aussi lourds. L’appareillage rustique, mais soigné des parements - constitués
de gros moellons soigneusement calés par des éclats de pierre - les a jusqu’à
présent préservés de tout effondrement partiel en dépit d’un défaut d’étanchéité évident, mais le réaménagement intérieur du donjon, qui va recevoir enduits et équipements, devrait inciter à régler définitivement le
problème de la mise hors d’eau de l’ouvrage, tant en ce qui concerne sa
toiture que ses élévations extérieures.
- le mur de contrescarpe nord du fossé présente comme le donjon des joints
dégarnis et nécessiterait un travail de rejointoiement complet.